JE PARLE WALLON
En cette veille de fête nationale, Claude Snaps publie une lettre d'un auteur célèbre relative au wallon
Nous la reproduisons in-extenso
Chère Madame,
Vraiment, vous avez tort, vous avez tout à fait tort. Comment, vous m'avouez, que dis-je, vous vous vantez de gifler votre bambin chaque fois qu'il a l'audace, le vaurien, de parler wallon !
J'ai peine à croire surtout que vous êtes une vraie femme de chez nous.
Est-il donc si vilain que cela, je vous le demande, ce bon vieux langage du terroir ? Oui je sais il y a les " ti " qui sentent la crapule et les expressions fortes. Mais tout cela, ce n'est pas le " wallon".
Que de jolies choses vous y découvririez, si vous vous donniez la peine de l'apprendre autrement que par les apostrophes des " gamins de rue " ou les jurons des charretiers.
Ne trouvez-vous pas charmant, par exemple, d'appeler votre bébé " nozé poyon " ou même sans jamais traduire, " vèye gueûye" ! N'est-ce pas bien plus gentil, plus doux que vos éternels " chéri à sa maman ", " gros loulou ", que sais-je encore ?
Mais ce n'est pas tout cela et revenons-en à votre bambin que vous qualifiez de " mal élevé " parce que, au hasard des promenades, il a ajouté à son vocabulaire quelques mots wallons. De grâce, ne le giflez plus ainsi. Laissez-lui tranquillement apprendre ce rude dialecte qui cadre si bien avec votre caractère.
Vous craignez que le " wallon " déteigne et tache le " français " que sa petite cervelle contient déjà ! Cela n'est pas sûr du tout. Bien au contraire, notre gosse est à l'âge où l'on emmagasine tant de choses sans les mêler.
Croyez-moi, réservez vos corrections pour les mots triviaux et les expressions grossières mais laissez-le apprendre en paix l'émouvant langage des Defrecheux et des Vrindts.
Après tout, ce sera peut-être pour vous l'occasion de l'apprendre aussi.
Georges Simenon