LA VALEUR DU LIVRE
Le livre est dépositaire d’une formidable histoire qui menace aujourd’hui de toucher à sa fin face à la concurrence inégale des médias électroniques ?
Pourtant, le chanoine Godefroy de Sainte-Barbe en Auge écrivait en 1170 : « Une abbaye sans bibliothèque est comme un château sans salle d’armes. » Trois cents ans plus tard, Jacques Louber, prieur de la chartreuse de Bâle, se servait de termes encore plus clairs : « Une abbaye sans livres est comme un Etat sans armée, un château-fort sans remparts, une cuisine sans ustensiles, une table sans mets, un jardin sans herbes, un pré sans fleurs, un arbre sans feuilles."
On trouvera sans doute incompréhensible, un évènement de 1237 qui eut lieu à l’abbaye de Vorau, en Styrie (Autriche) : un incendie s’étant déclaré dans la bibliothèque, le prieur se mit à jeter les livres les uns après les autres par la fenêtre, jusqu’à ce que les flammes eussent raison de lui. Il sacrifia sa vie pour sauver à la postérité des manuscrits irremplaçables. Aujourd’hui encore, on peut voir leurs bords calcinés.
Laissons la parole à une autre voix du passé. Dans le deuxième Chant du Purgatoire, Dante décrit le peintre Oderisi di Giubbio comme un maître de l’art « que Paris appelle enluminer ». Ce terme a pour origine « illuminare », c’est-à-dire illuminer. « Leurs pages sont lumineuses », lit-on plus loin chez Dante, qui se réfère aux feux d’or et d’argent et aux couleurs éclatantes des initiales et des illustrations qui apparaissent dans les livres précieux du Moyen Âge.
La splendeur des peintures, la richesse du décor, la beauté des ornementations confèrent jusqu’à ce jour une immense valeur aux livres anciens et les haussent au-dessus du lot des étagères poussiéreuses et des antiquités bibliophiles Cependant, l’intérêt très compréhensible pour la décoration des livres ne doit pas faire oublier que pendant très longtemps, elle ne fut considérée que comme une caractéristique ajoutée à la parole écrite, au texte.
Visuel : Jean Méliot fut un écrivain et un traducteur célèbre. Il travailla comme secrétaire pour le duc de Bourgogne Philippe le Bon (reg.1419-1467) et son successeur Charles le Téméraire. Cette miniature de Jean Tavernier, un maître de la grisaille, montre l’auteur travaillant au milieu de somptueux codices. Tiré des Miracles de Notre-Dame, vers 1456. Paris BnF, Ms français 9198, folio 19 recto.
(source FB)