FUNERAILLES ECOLOGIQUES
Les pratiques funéraires classiques, comme l’incinération ou l’inhumation, sont aujourd’hui critiquées pour leur impact environnemental. Les émissions de CO2 liées à la combustion des cercueils, l’utilisation de produits chimiques pour l’embaumement et la déforestation pour la production de bois sont autant de raisons qui poussent à rechercher des solutions plus durables. Les funérailles écologiques ne se résument pas à un choix esthétique. On peut les voir comme un acte de rébellion contre un système qui ne prend pas en compte les générations futures.
"En Belgique, seuls deux modes de sépultures sont autorisés, à savoir l’inhumation et la crémation, ce qui nous empêche d’être à 100% écologique," explique Cléo Duponcheel, entrepreneuse en pompes funèbres écoresponsables, dans le diptyque funèbre réalisé par la journaliste Viviane de Laveleye.
Certains fabricants de cercueils et d’urnes funéraires prennent part à cette dynamique en proposant des modèles plus écologiques, fabriqués à base de matériaux tels que le bambou, l’osier, la canne à sucre, le champignon, la laine ou le carton. Mais, bien qu’ils visent à minimiser leur impact environnemental lors de la décomposition, et qu’ils permettent de rendre hommage en respectant certaines valeurs environnementales, ces cercueils n’offrent pas la solution miracle en matière d’écologie.
La question des fleurs, des transports, des faire-part, de l’entretien des cimetières, des vêtements des défunts, etc. revient également dans cette éco-réflexion. Les alternatives écoresponsables se multiplient, comme la végétalisation des cimetières, les vêtements funèbres biodégradables, le vélo-corbillard, etc. Mais elles ont, elles aussi, une valeur symbolique et n’offrent jamais de solutions complètement vertes. C’est pourquoi, à travers le monde, des citoyens engagés prônent le concept de compostage humain, une méthode de décomposition des corps plus respectueuse de l’environnement. Ils plaident pour que cette alternative à l’inhumation et à la crémation soit étudiée, validée et – surtout – légalisée.
Le compostage des corps
Une étude française, commandée en 2017 par les services funéraires de la Ville de Paris, évaluait à plus de 800 kg de CO2 les émissions carbones produites par une seule mise en bière. "L’équivalent d’environ 4000 km en voiture individuelle, soit presque autant qu’un aller-retour Paris-New York en avion".
Parmi les alternatives écologiques aux funérailles traditionnelles, on retrouve notamment l’humusation. Une méthode qui se distingue comme une approche respectueuse de la nature, bien que son adoption ne soit pas légale en Belgique. Ce processus permet au corps de se décomposer lentement, grâce à l’action des micro-organismes et de la matière organique. En une année, le corps se transformerait en humus fertile, pouvant enrichir les sols ou même servir à planter un arbre en mémoire du défunt, symbolisant ainsi un cycle de vie continu. Bien que la faculté des bioingénieurs de l’UCL contredit fermement certaines de ces données, les défenseurs de l’humusation sont bien décidés à continuer leur combat et "à briser les tabous, réveiller les consciences écologiques, secouer le monde funéraire, en nous proposant une autre vision de la mort, régénératrice de vie, et ouvrir la voie vers la création de nouveaux rites."
"Et des alternatives qui réintègrent le cycle du vivant, il y en a d’autres !" nous dit Cléo Duponcheel. "Le compostage humain, englobe certes l’humusation, mais il existe un tas d’autres modes de sépulture. Il suffit de se rendre aux Etats-Unis ou en Allemagne pour s’en rendre compte. L’homme fait partie de la nature et l’idée est de rendre à la terre ce qu’elle a donné. La nature fait tellement bien les choses, laissons-la travailler à notre place."
Pour lancer la question de la pollution post-mortem liée aux différentes pratiques funéraires, la journaliste Viviane de Laveleye s’est renseignée sur les alternatives à l’inhumation et à la crémation. Elle a rencontré et suivi les défenseurs du compostage humain, ainsi que ses détracteurs. Elle en parle dans ses documentaires sonores primés, "Croque-Madame" et "Compost Mortem", qui questionnent notre empreinte funeste.
La journaliste Gaëlle Gaignaire, alias Gazelle, a aussi suivi de près cette pratique funéraire, dans le cadre d’un reportage sur les nouveaux modes de sépulture. Elle a concrétisé son enquête dans le récent reportage "Compostez-moi !" à voir sur Auvio. L’asbl Compostez-moi ! œuvre également au quotidien pour la légalisation d’un mode de sépulture alternatif qui réintègre le cycle du vivant. "Notre objectif est de promouvoir la recherche, gage d’un plaidoyer crédible pour le compostage humain, et d’agir afin de permettre la légalisation d’une méthode qui serait adaptée à nos besoins," expliquent les co-fondateurs.
Les funérailles écologiques ne sont pas simplement une tendance passagère, mais plutôt un reflet d’une société en quête de sens et de durabilité. À une époque où la question environnementale est au cœur des préoccupations, beaucoup souhaitent repenser nos traditions et opter pour des pratiques qui respectent non seulement nos proches, mais aussi la planète qui nous abrite.